A l’occasion des transferts des compétences eau et assainissement, de nombreuses intercommunalités continuent de s’interroger sur la possibilité d’instaurer des tarifs différents sur certaines zones de leur territoire communautaire.
La jurisprudence est clairement établie sur cette question et vient d’être confirmée, une nouvelle fois, par le Conseil d’Etat (CE, 22 octobre 2021, n°436256).
Comme pour tout service public, les services publics d’eau et assainissement, qualifiés comme tels par le code général des collectivités territoriales, doivent répondre au principe d’égalité de traitement entre usagers d’un même service public. Ce principe qui a été reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle (DC, 12 juillet 1979, Pont-à-péage, n°79-107) et comme principe général du droit (CE sect., 9 mars 1951, Sté des concerts du conservatoire, n°92004) signifie que chaque personne étant dans la même situation vis-à-vis du service public doit recevoir le même traitement.
Dans son rapport public annuel de 2015, la Cour des Comptes a ainsi précisé que des modes de gestion différenciées pouvaient être admis ainsi que des tarifs différenciés à la condition que cela n’entraine pas une rupture de l’égalité de traitement des usagers devant le service public.
Comme tout principe, ce principe d’égalité devant le service public connaît des aménagements qui ne peuvent être qualifiés d’exceptions puisqu’ils sont justifiés par le fait que les usagers ne sont pas dans la même situation vis-à-vis du service public.
Le Conseil d’Etat a ainsi reconnu trois situations dans lesquels des différences tarifaires pouvaient être justifiées (CE sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n°88148 et n°88032) :
- la loi le prévoit,
- il existe entre les usagers une différence de situation appréciable par rapport à l’objet du service,
- l’intérêt du service en rapport avec les conditions d’exploitation du service.
Ainsi dans la décision précitée, le Conseil d’Etat a retenu la légalité d’une délibération qui retenait une tarification différente pour le péage de l’île de Ré entre les résidents permanents de l’île et les habitants du continent y compris les propriétaires d’une résidence secondaire. En revanche, il n’a pas retenu l’existence d’une différence de situation appréciable entre les résidents du département qui bénéficiaient d’une tarification plus favorable et les autres résidents du continent.
La même grille de lecture a été retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille s’agissant des tarifs d’une navette desservant des îles (CAA Marseille, 13 juin 2016, n°15MA00808).
Le juge administratif a également estimé que des agents communaux n’étaient pas dans des situations différentes vis-à-vis du service public justifiant une différence tarifaire (CAA Paris, 2 juillet 2020, n°09PA00974).
S’agissant plus précisément des tarifs d’eau et d’assainissement, le Conseil d’Etat a reconnu la légalité d’une différenciation tarifaire fondée sur le coût d’extension du réseau pour la desserte d’un quartier et les conditions d’exploitation dudit service qui étaient liées à la vocation touristique du périmètre s’agissant du quartier de « Narbonne plage » (CE, 26 juillet 1996, Association Narbonne Libertés, n°130363).
Il a également reconnu la possibilité d’une tarification spécifique pour les détenteurs d’une piscine privée qui n’ont pas les mêmes besoins en alimentation que les autres usagers du service d’eau (CE, 14 janvier 1991, n°73746).
Enfin récemment, le juge administratif a reconnu la possibilité d’un micro-zonage relatif à 5 habitations en se fondant sur le fait que ces habitations étaient raccordées à une station d’épuration avant la construction du réseau d’assainissement permettant le raccordement des autres habitations de la commune. Les résidents de ces 5 habitations pouvaient alors bénéficier d’un tarif correspondant au seul coût de fonctionnement des installations existantes et non au coût de remboursement des travaux de construction du réseau d’assainissement (CE, 22 octobre 2021, n°436256).
Il reste donc possible de maintenir des zonages tarifaires dans le temps à la condition que ce dernier soit justifié par des différences de situation des usagers. Il convient de rester extrêmement prudent dans les critères retenus pour justifier cette différence de situation dès lors que le juge procède à une appréciation au cas par cas.
En outre, la généralisation, par la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, de la possibilité d’instaurer une tarification sociale de l’eau fondée sur la composition et les revenus des foyers permet de justifier de nouvelles différences tarifaires.